mardi 19 octobre 2010

Fin


Vrai, notre voyage était presque terminé.  Alice au pays des merveilles devaient retourner travailler. C’était la fin du rêve et une représentante de l’autre monde était venue nous l’annoncer.  Nous avions rendez-vous à l’aéroport de Katmandu par un après-midi radieux.  Sur un écran de la taille de mon IPod paraissaient les voyageurs fraîchement descendus de l’avion. Le regard fier malgré le décalage et le sac à dos qui pèse lourd, ils progressaient vers la sortie comme des enragés du boxing day.  La représentante de l’autre monde apparue.
-Annie !!! 
La grande sœur de Geneviève nous avait repérés. S’entamèrent des retrouvailles touchantes après une si longue absence.  Sur nos vélos, nous avions beaucoup de temps pour penser. Beaucoup de temps pour réfléchir sur le sens de la vie. Beaucoup d’heures à songer à ceux qu’on aime et ce qu’on leur dirait s’ils étaient présents. Lorsque le moment est venu, tout se bouscule dans nos têtes. On voudrait tout déballer de manière cohérente, mais cela fini par un « Viens je t’emmène manger la meilleure soupe tibétaine ! »
Annie était radieuse, sûre d’elle et prête à découvrir le Népal dans toutes ses beautés et ses horreurs. Elle avait l’habitude des voyages au tiers monde, nous n’étions pas inquiets de sa réaction face à ces millions de gens qui ont faims. Allons à la soupe tibétaine je disais… 

Nous avions les cartes. Nous avions la motivation. Nous avions de l’argent. Plein à craquer… Non, je déconne, mais nous avions tout ce dont il fallait pour aller explorer la région de Langtang. Nous avons alors entrepris de rouler en bus le dangereux chemin qui serpente, s’incurve, grimpe et plonge dans la chaîne de montagnes la plus imposante au monde. Une aventure routière des plus émouvantes sur des rythmes indiens hyper frénétiques. Les passagers, se laissant bercer par l’inertie obligée des forts virages, renvoyaient leur diner à qui mieux mieux en essayant de ne pas salir le sari des femmes qui s’entassaient à quatre à quatre sur des bancs défoncés.  L’horreur !  Je m’ennuyais de la route terne qui sépare Montréal de Québec.

Il y avait Annie. Il y avait Geneviève. Il y avait moi et il y avait Krishna, le cousin d’Hupendra, un ami Népalais.  Vêtu de son petit débardeur rose, Krishna nous accompagnait en tant que guide de montagne. Homme très populaire auprès de la gente féminine, nous avons vu défiler son harem qui venait le saluer au moment de notre départ.  Ceux qui connaissent bien la mythologie indienne ne seront pas surpris de le voir porter ce nom : Krishna, Dieu de l’amour et de la musique. Honnête détenteur d’un diplôme en anthropologie,  notre guide aurait pu nous dépeindre la culture Népalaise dans un assortiment de propos savants et scientifiques. Nous nous sommes contentés de plaisanter sur sa désinvolture et ses frivoles fréquentations.


Langtang est un lieu exceptionnel pour la marche en montagne. Pour s’y rendre, le trajet de minibus est extrême. De ce fait, ce haut lieu est protégé de toutes les exagérations touristiques possibles. Nous nous retrouvions presque seuls à progresser dans cette mystérieuse vallée luxuriante. A proximité coulait une rivière qui produisait des bruits légers.  Un lavage de cerveau hautement efficace pour retirer toutes formes de stress. Au petit matin, alors que le soleil se levait, une épaisse brume nous faisait douter que nous étions bel et bien éveillés. Geneviève et Annie marchaient devant et moi je les précédais. Chaque pas nous menait plus près de notre but : la base du mont Langtang qui domine la vallée avec ses 7200m. Nous  traversions alors de petits villages au gré des conversations.  Krishna se faisait plutôt silencieux, mais à chaque fois qu’il ouvrait la bouche c’était pour nous faire sourire. Nous avons beaucoup souri. Nous avons beaucoup écouté aussi. Écouté le vent froid qui sifflait dans nos oreilles. Écouté les centaines de cloches des yaks qui déjeunaient plus haut dans les montagnes. C’est lorsqu’on sait que la fin approche qu’on est le plus sensible à l’invisible. C’est pas moi qui l’a dit… c’est Jerry ! 

À quatre, nous avons marché plus d’une semaine afin de revenir au point de départ avec un sac à dos vide de nourriture, mais remplie de belles images et de beaux moments. Ce fût mission accomplie. Annie nous apparue dans une forme exceptionnelle, poussant même l’audace à marcher près de 12 heures par jour ! À 5000m d’altitude, le défi était de taille. Même le guide commençait à tirer la langue !

Voila. Dix jours sont vite passés au paradis. Attention, la descente est brusque. Retour à Katmandu. Vol pour Hong Kong. Transfer vers Taiwan. Catapultés vers New York et nous traversions les portes de l’aéroport de Dorval. Mes parents étaient là. Nos amis étaient là. Nous étions trop contents de les revoir. Et la phrase qui tue… beau voyage ? C’est exactement le moment où tu réalises que c’est véritablement la fin.

De retour à la maison, je fais le ménage dans mes bagages. Je retrouve des cailloux que des Vietnamiens m’ont lancés. Dans un sac, je retrouve des fleurs séchées que je reconnais être celles qui tapissaient la jungle Cambodgienne. Je respire le thé que je transportais depuis 15 000km. Je revois les photos des gens qui nous ont hébergés sur la route. Je réfléchie. Était-ce tout ce dont il me resterait à la fin de cette aventure ?
En 2009 Geneviève et moi n’avons pas acheté de voiture, ni de maison, ni de TV plasma, mais ce que nous avons acquis est indescriptible à celui qui n’ouvre pas ses yeux à ce qu’il y a de plus vrai. Il s’agissait de notre premier périple à vélo.  Une excursion au pays de la simplicité volontaire et de l’activité physique. C’était cela notre vie en 2009… Et si c’était ça la vraie vie ? 

FIN

Et maintenant que nous sommes à la maison depuis plus de 10 mois. Les mêmes questions reviennent souvent.
-Donnez-moi un point positif et un point négatif à propos de votre voyage.
Le point positif c’est que ce n’est pas le dernier.
Le point négatif c’est qu’on ne peut plus s’arrêter.

Geneviève Dupont et Pierre Martin
Pour un tour de 15 086 km en Asie

mardi 29 décembre 2009

Annapurna

Lorsque les roues de l’avion touchèrent le sol gelé du Népal, je repassais, dans ma tête, les images l’aéroport de Katmandu que j’ai visité il y a 4 ans à l’occasion d’un voyage au sous-continent asiatique. Les parfums pénétrants qui se dissipaient rappelaient la proximité de l’Inde. Seulement l’air froid qui gonflait nos poumons nous rappelait que nous étions au milieu des montagnes. Quelle sensation étrange de sentir l’air froid dans ses poumons  pour une première fois depuis près de deux ans! Des femmes en saris aux couleurs écarlates erraient dans les longs couloirs bruns en se trainant les pieds sur les tuiles jaunis et crasseuses du plancher de l’aéroport. Le terminal n’avait pas besoin d’être agrémenté de mille parures. Aussitôt à l’extérieur, le visiteur découvrait la beauté extrême de l’endroit. L’accueil froid à saveur commerciale des douaniers s’est vite fait oublier devant la splendeur des Himalaya!


Après une longue escapade sur la côte Est de la Chine, nous étions de retour dans un pays pauvre où le quoditien consiste à prolongé la survie des gens. Pour nous, s'intégrer à cet environnement ne relevait plus de l’obstacle, mais d’un plaisir certain. C’est connu, la pauvreté favorise le partage rigoureux. Nous voyageons pour partager. Nous trouvions donc notre place au Népal. Il y avait tant de choses à apprendre ici.

Mon dernier passage au Népal m’avait émerveillé. J’avais laissé derrière un précieux ami Népalais et des souvenirs d’un périple extraordinaire dans la région de l’Everest. En tirant Geneviève par la manche, je l’entraînai au milieu du Thamel, quartier animé qui est un camp de base pour tous les montagnards du monde. Tous les personnages légendaires qui ont gravi l’Everest y ont passé! On y retrouvait, comme il y a 4 ans, des boutiques désasorties, guest houses miteux, bars bruyants et vendeurs de marijuana omniprésents. Comme si Katmandu était fixé dans le temps, il n’était pas rare de tomber, au tournant d’une ruelle, un vieux hippy issu des années 70. Seulement, aujourd’hui, un couvre-feu contrôlait la ville afin d’éteindre toute tentative de regroupement qui serait un peu trop manifeste. Alors que nous fréquentions un de ces bars et que nous discution tranquillement de notre expédition à venir dans les Annapurna, la musique s'interrompue et les lumières se tamisèrent pour laisser la place aux chandelles. On tira les rideaux opaques sur toutes les fenêtres et on cadenassa la porte d’entrée. A partir de minuit, il n’était plus question de se trouver à l’extérieur. Le Népal avait bien évolué nous disait-t-on! Ah?

Peu de temps après notre arrivée, nous avons attaqué le long circuit tracé sur la circonférence de l’Annapurna. Nous avons d’abord emprunté un sentier raviné en bordure d’une rivière afin de progresser dans une vallée qui nous mènerait à 5500 mètre d’altitude. Une marche de 150 km parmi les paysages les plus grandioses de la planète; deux semaines de trek dans une nature intouchée sur un fond de carte postal. Il s’agit d’un véritable pèlerinage au cœur d’un univers abandonné par la civilisation. Geneviève trippait à fond… moi pareil! Autrefois, le circuit était considéré comme la randonnée #1 au monde. Aujourd’hui le sentier a perdu un peu de son charme, car on y conduit des 4X4 sur une partie importante de sa longueur.

Tandis que nos muscles s’adaptaient tranquillement à la marche en montagne, notre sang se s'enrichissait en globules rouges – altitude oblige. C’est avec la barbe hirsute et gelée que je finissais dorénavant mes journées de marche. Nos corps étaient un peu endoloris, mais la fatigue se faisait oublier par la sensation de liberté qui dominait! Même si le corps humain n’est pas conçu pour être confortable dans ces conditions hostiles, celui-ci à une capacité d’adaptation incroyable. Il suffit de sortir de sa zone de confort pour que des miracles de produisent! En raison de l’altitude, le visage de Geneviève était boursouflé et je ressemblais à un ivrogne à la sortie d’un bar; deux pas devant, un pas derrière! Après une longue nuit étoilée à marcher serainement sur un plateau de 5500 mètres, nous entamions une descente vers une vallée verdoyante qui promettait de nouveaux paysages exaltants. La beauté des lieux était si pénétrante qu'elle était capable de me donner un frisson de 90 minutes non-stop. Adossé à un rocher, fier au milieu des sommets de plus de 8000 mètres, je ne pouvais m’expliquer comment, avec si peu de moyens, on peu parvenir à un tel paradis.

Pendant deux semaines, nous n’avons donc pas manqué un levé et un couché de soleil! A coup de longues journées à porter nos sacs à dos, nous étions transformés en de véritables maigrichons obsédés pour la bouffe. La quantité de nourriture que nous mangions le soir faisait toujours sourire les Népalais qui nous la servaient. Ils avaient rarement vu cela dans leur village! Le dhal bat, plat typique népalais, était servi à volonté sur des piles de riz. Nous étions rassasiés seulement après trois ou quatre assiettes! Cela devenait gênant lorsqu’on mangeait en présence d’autres voyageurs!

Nous avons finalement bouclé le circuit dans un temps record de 13 jours! Si le sentier était d’une splendeur parfaite, nous avons découvert que sa difficulté était plutôt légère. Le tour de l’Annupurna est effectivement accessible à toute personne en santé! La seule façon de composer avec l’altitude est de prendre son temps. Pour gravir de hautes montagnes, il faut du temps. Ça adonnait juste bien, c’est essentiellement ce que nous avions…. du temps!

dimanche 22 novembre 2009

Ligne d'arrivée

La fin de la route ressemblait à un rêve. A l’approche de Hong Kong, tout ce qu’un cycliste pouvait espérer d’un paysage, le décor nous l’offrait. Malgré cette vie de pauvreté et de simplicité volontaire, nous ne manquions de rien. Depuis longtemps, nos cerveaux étaient dépendants à la dose journalière d’endorphine que nous leur fournissions. Pas de problème, l’activité physique fera toujours partie de notre quotidien. Pour les non-initiés, cette drogue naturelle est produite par l’hypophyse après un effort physique intense, une excitation ou par la nourriture épicée. Lorsque l’endorphine est produite, il en résulte une sensation formidable de bien-être. Ils avaient raison, la meilleure source de bonheur se trouve en nous. Laissez tomber le chocolat, venez faire du vélo avec nous !

Certains signes ne mentent pas. Le retour à la maison était éminent et il en était mieux ainsi. Depuis onze mois, nous avions fait un voyage risqué, mais sans accrochage et sans ennui majeur. Cela relevait du miracle compte tenu des habitudes de conduites asiatiques. Quelques kilomètres avant d’arriver à Hong Kong, une dame sur sa motocyclette s’est engagée sans regarder sur la route où nous roulions, frappant violemment Geneviève de côté. En se retournant pour regarder l’étendue des dégâts, notre maladroite avait oublié d’immobiliser sa moto et elle est venu me heurté, moi qui roulait un peu plus loin devant. Heureusement, cette démonstration de pilotage causa seulement quelques égratignures et un poignet foulé. Pour quelques jours, Geneviève dut conduire sa bécane d’une seule main ! Comme on dit : plus de peurs que de mal.

Tandis que notre dernier jour de vélo approchait, nos montures se transformaient graduellement en pièces de ferraille rouillée. Après 15 000 km, Geneviève roulait sur des roues de plus en plus tordues. Sur les 27 vitesses que mon vélo avait au départ, seulement quatre ou cinq fonctionnaient encore. Nous pouvions toujours avancer, c’était l’important. Il ne restait plus que quatre kilomètres à faire pour atteindre la destination ultime de notre voyage quand Geneviève a entendu le bruit caractéristique d’un rayon de roue qui se brise. Rien de problématique, nous avions déjà réparé une dizaine de rayons auparavant. C’est en se penchant plus près sur le problème que nous avons réalisé que ce n’était pas un rayon qui avait brisé, mais le moyeu de la roue qui était littéralement fendu. Le genre de problème majeur qui nous aurait retenus plusieurs semaines afin de commander une nouvelle pièce. Ouf ! Quelle chance ! Après 300 jours de vélo et 15 081 km, le bris mécanique était survenu la toute dernière journée, à 4 kilomètre de notre arrivée ! Incroyable ! Nous étions bénis des Dieux.

Le temps d’une photo pour immortaliser le moment, nous étions à la ligne d’arrivée de notre long périple. Après 1000 heures à pédaler, nous y étions. Je ne savais pas trop qu’est-ce qu’on pouvait dire à la fin d’une telle aventure. Je voulais remercier Geneviève d’avoir été une si bonne compagne. Après avoir réussit ce défi avec elle, j’avais le sentiment que notre couple n’avait jamais été aussi fort. Nous étions dans la même équipe plus que jamais. Nous avions appris énormément sur nos forces et nos faiblesses. Cela aidait à affronter tous les obstacles. Le bilan du voyage ne pouvait qu’être positif… mais je préférai me taire. Le sentiment était trop étrange pour l’exprimer avec des mots.

Nous avons entreposé les vélos chez un bon samaritain et nous avons embarqué sur un vol qui nous menait au Népal. C’était la fin d’une époque. La fin d’une belle aventure. Nous volions en direction des montagnes avec des projets et des rêves plein la tête. Nous n’étions pas prêts de nous arrêter. Ce n’est pas une question de chance, mais un choix de vie. Pour nous, ça s’appelle vivre…

samedi 7 novembre 2009

Destination finale : Hong Kong !

Les dernières semaines avaient été rudes sur ma carcasse de voyageur. Alors que je m’étais débarrassé de mes béquilles, un virus me pris et tira toute l’énergie que mon corps possédait. Une semaine de fièvre, quatre jours au lit et la vigueur d’un ours qui sort de son hibernation. Les scientifiques donnent un nom à ce virus : H1N1. Les joueurs de Scrabble préfèrent l’appeler influenza. Pour ma part, j’ai compris pourquoi tant de gens sont décédés de la grippe espagnole, un virus qui revient à la mode aujourd’hui.

Les parents de Geneviève nous avaient quittés et nous nous retrouvions à nouveau seuls au milieu de Shanghai. Seuls… avec nos vélos. La liberté d’aller où nous voulions pour les trois mois suivant. La liberté… Allo !? … la liberté ! Normalement, ces trois syllabes suffisent pour allumer l’étincelle au cœur de tout bon aventurier. Pour Pierre et Geneviève, il n’y avait plus de réponse au numéro composé. Hélas, après neuf mois lâchés lousses dans la nature, nous avions épuisé la majorité de nos fantasmes d’aventures. Nous nous retrouvions au dépourvu devant tant de possibilités et si peu de motivation. Repartir sur de longues routes ? L’envie n’y était plus. La vie de routard sur deux roues qui nous excitait tant au départ était devenue routine. Une routine qui avait perdu de la couleur de jour en jour. Presque à chaque jour, nous étions à penser à notre retour au Québec. C’était clair, il nous fallait redessiner le portrait de la fin de notre long voyage.

Nous regardions la carte du monde à la recherche d’un nouveau terrain de jeux. La Chine islamique, côté Xinjiang nous intéressait. Par contre, le cyclotourisme dans cette province éloignée se traduisait par des semaines intensives de vélo sur des territoires hostiles. Des kilomètres et de kilomètres à traverser les plus grands déserts de Chine. Certes, un beau défi, mais nous avions déjà donné beaucoup d’énergie dans la catégorie des défis ! La Mongolie offrait sa part d’attrait, mais à l’approche de l’hiver, il nous faudrait mettre des pneus à neige sur nos vélos ! Le camping dans la neige au milieu de la steppe exposé aux vents Sibériens nous laissait imaginer d’affreuses histoires. Nous avions exploré l’étendu du possible ; Philippines, Japon, Singapour, Malaisie… et regardé ce qu’il reste dans le fond de nos poches. La banque ne permettait plus trop de folies. Malheureusement, nous étions deux cyclistes fauchés qui devaient plutôt être en train de travailler comme tout le monde, mais qui s’obstinaient à parcourir le monde avec un budget qui frôlait le ridicule. Ce que nous cherchions ; une route facile et colorée dans un pays où la vie est simple et gratuite. C’est en regardant les photos de voyage de Fransesco et Romina que la solution m’apparu.

Les aiguilles blanches qui perçaient le ciel bleu illuminaient les visages bronzés de nos deux amis sur leur tandem, perdus quelque part au moyen orient. Des sommets enneigés qui réveillaient un sentiment fort : l’appel des montagnes… l’appel de l’air frais. A ma connaissance, il y avait bien un endroit pas trop loin qui pouvait assouvir notre soif des hauteurs. Un endroit qu’on nomme Népal !

Notre voyage prenait alors une nouvelle tangente ! Geneviève était motivée par la nouvelle proposition. Une finale de rêve dans les Himalaya ! Jamais nous n’avions pensé visiter ce sanctuaire de la montagne au cours de ce périple, mais nous nous laissions guider par nos instincts. La fin de notre route ne se ferait pas à vélo, mais à pied !

Nous nous trouvions environ à 4000 km à l’Est de Katmandu. Pas question de pédaler la Chine à nouveau en sens inverse ! Nous avons plutôt décidé de voler Hong Kong – Katmandu. Rien de trop beau vous en conviendrez ! Nous étions comme deux enfants qui attendent le Père Noël… trop excités dans l’attente. Cependant, avant de déballer notre beau cadeau, il nous fallait bien pédaler les 3000 km qui nous séparaient de Hong Kong. De la petite bière… quand on sait que le Père Noël arrive !

Dans une forme physique relativement mauvaise, nous avons repris la route. Les blessures, les virus et la vie (trop) confortable à voyager d’hôtel en hôtel en transport motorisé nous avaient ramolli le corps. Nous avions alors orienté nos vélos de manière à longer la côte Est de la Chine sur toute son arête. Nous voulions voir l’océan ! Nous allions traverser les provinces de Zhejiang, Fujian et Guangdong ; les territoires les plus riches et industrialisés du pays communiste. On nous avait prévenus ; préparez-vous à découvrir les pires horreurs industrielles. Nos observations furent à la fois surprenantes et dégoutantes. Des usines qui s’étendaient comme des forêts, des routes larges comme des fleuves, des cieux couverts par des fumées grisâtres qui tentaient de se déguiser en nuages, mais qui étaient démasqués par leur puanteur. Shell, Goodyear, China Plastic Industries, Volkswagen ; eh oui, les grands pollueurs de cette planète s’y rassemblaient, monopolisant le bord de la mer comme un groupe de Québécois qui débarque à Forth Lauderdale. Pas moyen d’atteindre l’eau, la côte est une zone industrielle protégée, contrôlée… interdite. Nous apprécions seulement les camions entrer et sortir de cette nouvelle Citée Interdite chinoise. Je me demandais : Pourquoi est-ce mieux de construire les usines au bord de la mer ? Peut-être que c’est plus facile de distribuer ses produits à l’étranger… peut-être que c’est plus facile de se débarrasser de ses déchets toxiques ? Dans un pays où il semble y avoir ni lois ni règles, les anarchistes milliardaires chinois sont aux anges. Fuir. Fuir cette région qui n’était définitivement pas faite pour le cyclotourisme. Sur quelles routes nous étions nous lancés encore une fois ?

Notre progression vers le sud nous mena ensuite sur les chemins montagneux de la province du Fujian. La population y était moins dense et les paysages plus beau. Le bord de la mer était maintenant rendue disponible par de magnifiques plages découpées par des falaises pittoresques. Nous n’avons pas manqué d’y planter notre tente à maintes reprises ! Afin de soigner notre solitude, nous avons aussi participé à la communauté de Couch Surfing. Cette organisation basée sur le web permet aux gens d’offrir un espace pour recevoir des voyageurs. Que ce soit sur un lit, sur un plancher ou un divan, les voyageurs peuvent s’y poser quelques nuits en échange de discussions intéressantes et de nouvelles amitiés. Nous avons souvent dormis chez les habitants qui nous ont fait découvrir la vie dans leur municipalité. L’expérience est inoubliable ! Si vous êtes intéressés à ouvrir vos portes et vos horizons vous aussi, visitez www.couchsurfing.org pour plus d’information. Tout est gratuit, sécuritaire et sympathique !

Plus la fin du voyage arrivait, plus le temps semblait s’accéléré. Quand je me surprenais à penser que, bientôt, nous serions de retour au Québec, je regardais autour de moi et l’envi me prenait de prendre 400 photos du paysage, des habitants et des nuages. L’envi de dire aux gens qu’on rencontre sur la route qu’on est heureux d’être là avec eux. La vie sur la route me manquerait, c’est certain ! Au même moment, nous profitions de la proximité de la mer pour nous offrir, presque chaque soir, un festin en règle de fruits de mer. Pour une somme ridicule, nous mangions comme des grands seigneurs. C’est en dégustant des crevettes fraîches et en regardant les vagues se briser sur le flanc d’une falaise rocheuse que je repensais à mon enfance passée au bord de l’océan. L’eau est une source d’énergie pour moi. La vision de la mer rechargeait mes batteries.

Nous avons ensuite rejoint la province du Guangdong ; la dernière ! Le Guangdong était un vrai paradis du cyclotourisme ! Des petites routes cimentées longeaient de longues plages désertes en traversant des forêts qui sont encore vierges aujourd’hui. Nous traversons des villages de pêcheurs et profitons de nos derniers instants en Chine. Le Mandarin avait alors laissé la place au Cantonais, ce qui rendait certaines discussions plus ardues. Retour au langage des signes ! Après plus de 300 jours à vivre dans nos bagages et près de 15 000 km roulés, nous nous étions parfaitement adaptés à la vie sur la route. Monter la tente, cuisiner le riz et entretenir les vélos se faisaient machinalement sans penser. L’expérience était réussit ; nous étions devenus de vrais nomades.

Dans un bordel de construction typique aux grosses villes de la Chine, nous avons rejoint le poste de douane de Hong Kong. Il n’y avait plus qu’à s’y présenter et la Chine serait derrière nous ! Nous avions peine à y croire ! Comment était-ce possible que cette aventure avait une fin ? C’était comme si nous allions nous réveiller d’un rêve et que, finalement, notre route allait se poursuivre sur des mois et des années. Hélas ! Le 2 octobre 2009, nous quittions le pays qui nous avait tant fascinés pendant plus de 5 mois. La fin d’un chapitre… mais pas la fin de l’histoire encore !

jeudi 1 octobre 2009

Nouveaux Visiteurs!

Nous y étions ! Shanghai ! La grande ville ! Lors de nos premiers tours de pédales en Asie, nous aurions été nerveux d’entrer dans un territoire aussi peuplé sur des bécanes sans moteur. Mais, lorsque nous y étions, après 8 mois de voyage, c’était différent. La fatigue mentale qui nous faisait rêver au moment où nous allions enfin entreposer nos vélos et la confiance acquise pendant les 900 heures pédalées se traduisaient alors par une insouciance assurée. Nous avons foncés droits au cœur de la ville sans se poser de question. Était-ce sécuritaire ? Était-ce légal ? Nous en étions totalement indifférents. Allons terminer cette longue et rude étape le plus rapidement possible!

Nous avions deux jours pour nous refaire une beauté avant que la famille de Geneviève ne vienne nous rejoindre. Nous avions la poussière accumulée sur 4000 km à laver et des vêtements troués qui ne tiennent plus qu’à des fils. Nous avons sorti de nos bagages ce qu’il nous restait de mieux pour les accueillir à l’aéroport : des pantalons déchirés et des t-shirts blanchis par le soleil. Triste…

Nous étions bien excités de revoir la famille après une si longue absence. Est-ce que les parents de Geneviève accepteraient bien le mode de vie que nous vivions ici ? Peut-être que notre mode de vie ne leur conviendrait pas ! Nous revisitions les repères qu’un occidental cherche lorsqu’il atterrit en Asie. Nous voulions par-dessus tout que tout le monde passe du bon temps et que les trois semaines de visites soient remplies de belles découvertes. Pour Marie-Hélène, il s’agissait d’une première expérience avec son sac à dos dans un pays totalement étranger. Nous étions doublement motivés à ce que la petite sœur subisse la fameuse piqûre du voyage ! Nous devons avouer que nous nous étions mis beaucoup de pression pour que tout soit parfait même si, au fond, nous savions fort bien que le simple fait de partager du temps ensemble suffirait pour rendre le voyage agréable.

Le jour avant leur arrivée, une pluie torrentielle nettoyait les rues de marbre du centre-ville. Ces rues qui, même sous un ciel fâché, brillent comme les Mercedes des multimillionnaires Chinois. Une journée où les seuls individus qui s’affaire à l’extérieur le font par nécessité. Sous nos imperméables, nous explorions la concession française quand je glissai hors de mes vieilles sandales. C’est que mes Crocs ont les dents bien usées après avoir marché trop de kilomètres. Résultat : pied droit coupé bien profond par un morceau de tuile cassé sur le trottoir, visite des hôpitaux de Shanghai en vitesse, points de suture et béquilles pour 3 semaines ! Voila qui était peu pratique pour entamer la semaine de visite avec la famille. Geneviève se retrouvait alors avec un blessé contraint au repos au lieu d’un assistant guide !

Après une petite opération à mon pied, nous avons sautés dans un taxi pour accueillir les visiteurs qui seraient avec nous pour trois semaines. Un sentiment très spécial de revoir les proches après avoir vécu parmi des visages étrangers pendant neuf mois. C’était comme si un peu de notre maison et de notre confort revenaient pour un instant. Très réconfortant, je vous l’assure! Ils avaient même pris soin de nous réapprovisionner en objets de subsistance pour cyclistes : vêtements neufs, café, chocolat, pièces de réparation, etc.

A partir du moment où la famille Dupont (à l’exception de la grande sœur) mettait le pied en Chine, nous avons entrepris une grande tournée des principaux endroits touristiques de la Chine moderne. Nous avons aligné sur notre trajectoire pas moins de trois sites faisant partie du patrimoine de l’UNESCO. Des incontournables tels que la Grande Muraille de Chine et le Palais d’Eté de Chengde nous ont émerveillés pendant plusieurs heures de visite.

Une soirée sur la grande muraille avec Geneviève et Marie-Hélène restera gravée dans ma mémoire pour toujours. Nous étions au sommet d’une petite colline, à marcher sur cette merveille alors que le soleil peinturait le ciel d’orange et de violet. La température était celle d’une soirée chaude du Québec où on cherche les terrasses pour aller prendre une bière entre amis. Nous étions seuls dans ce décor merveilleux et silencieux. Au loin, nous pouvions apercevoir la muraille qui serpentait sur le sommet des montagnes voisines. Le calme de l’endroit et la beauté du décor nous procurait un sentiment d’apesanteur indescriptible. Nous comprenions pourquoi des centaines d’aventuriers viennent y passer la nuit alors qu’ils avaient prévu revenir avant la noirceur. Si Marie-Hélène avait un demi-doute sur l’attrait du voyage, je crois qu’à ce moment nous étions tous d’accord sur une chose : il n’y avait pas de meilleur endroit dans le monde ni de meilleur moment dans l’histoire. Il n’y avait qu’un moment présent extraordinaire.

Nous nous étions refusé d’entraîner nos visiteurs dans des trous à rats où nous étions désormais abonnés pour passer nos nuits. De même, nous nous étions entendus pour visiter seulement les restaurants recommandables pour les estomacs fragiles d’occidentaux. Or, nous avons tout de même réussit à sortir des sentiers battus. Avec le père de Geneviève, les visites touristiques se terminaient souvent par une bonne bière froide dans l’entrée d’un dépanneur perdu. La soif nous a souvent guidés sur des chemins magiques ! A la grande déception de Guy, nous n’avons pu trouver un endroit pour faire quelques pas de danse sous les regards des Chinois curieux. Dommage ! Bravo Guy pour ta performance de vélo dans les deux plus grosses villes de la Chine ! Même les moines du spectacle de Kong Fu auraient eu peur du trafic!

Carmen, la mère de Geneviève, était armée d’une motivation de fer pour tout visiter ! Malgré des problèmes d’estomac qui l’ont ralentie tout le temps de son séjour, elle était toujours remplie d’une bonne humeur et d’un enthousiasme contagieux. Par chance qu’elle n’était pas au sommet de sa forme sinon elle aurait fait le tour de tous les jardins de la Chine ! Elle aura surement des bonnes anecdotes à raconter sur la longue file que nous avons fait pour aller voir la carcasse de Mao Tse-Tung ! Deux heures de combats sans règles avec des Chinois fous avant de voir leur idole congelé. Carmen compris vite le ridicule de la situation et y mis autant d’énergie que nous pour garder nos places ! Beaucoup de plaisir !

Trois semaines si vite passées ! Le temps seulement que ma blessure au pied guérisse et la famille repartait déjà vers les pays froids ! Leur visite avait été une succession de bons moments, de bons repas et de belles découvertes. Nous avions alors notre quota de visites des endroits touristiques de la Chine et nous étions prêts pour reprendre la route ! Nous étions cependant moins enthousiastes à l’idée de pédaler de longues distances d’ici la fin de notre voyage. Nous jetions alors le dard sur Hong Kong, la prochaine destination ! De nouveaux projets vannaient de germer dans nos têtes ! De nouveaux pays étaient en vue ! A suivre…

dimanche 13 septembre 2009

Express pour Shanghai (3e partie)

Hunan

Flanqués de nos trois confrères Chinois, nous avons atteint le Hunan, une province de la Chine centrale. Nous sommes heureux de maîtriser un peu de Mandarin afin de pouvoir partager de bons moments avec des gens qui vivent la même chose que nous. Leur itinéraire coupa le nôtre juste au moment où, en regardant la carte, nous étions bien découragés de voir Shanghai aussi loin. Au moment où Geneviève et moi commencions à sentir la solitude qui nous envahissait. Certain moments, nous demandions vraiment pourquoi nous nous donnions tout ce mal pour pousser nos vélos aussi loin. Or, partager notre route avec ces amis pour quelques jours nous redonna le goût d’avancer !

Le Hunan est situé au centre d’un pays qu’on déconseille aux voyageurs pendant la saison chaude. En été, on suffoque souvent sous une atmosphère horriblement chaude et humide (40-45 C) ; Une sensation qui s’apparente probablement aux légumes qui cuisent sous la pression d’un presto. Sinon, on endure des tempêtes tropicales persistantes. Croyez-moi, ces orages n’ont rien à voir avec les petites giboulées du Québec. Bref, la température estivale de la Chine nous garantie de tremper nos vêtements à chaque jour ; soit par la pluie, soit par la chaleur halitueuse. Vous comprendrez alors que nous sommes la risée de bien des gens lorsque nous leur avouons notre résolution à traverser la Chine à vélo pendant cette période.

Heureusement, le Hunan est une province extrêmement riche en fruits et légumes ! Les produits y étaient offerts presque gratuitement. J’ai le souvenir que les pastèques étaient moins chères que l’eau ! Notre consommation de fruits prenait alors des proportions exagérées !

- 10 kg de pastèques, 5 kg de litchis et 5 kg de poires pour emporter svp !

Après plus de 200 jours sur la route, nous nous sentions bien déconnectés de tout ce qui se passait sur la planète. Sans journaux, sans télévision et sans radio, il y aurait pu y avoir une troisième guerre mondiale, nous l’aurions ignoré. Qu’importe, nous étions très bien connectés sur ce qui se passait tout près de nous : les odeurs, les couleurs et les gens que nous avons rencontrés. En effet, c’était notre objectif, c’était le but principal de notre périple !

Un matin, alors que nous roulions sous un soleil de plomb, un phénomène étrange se passa. Comme si Geneviève et moi avions mis nos lunettes de soleil, tout devint sombre autour de nous. Aucun nuage dans le ciel, c’était une de ces journées chaudes qui se préparait. Une heure plus tard, la lumière réapparue et nous convainquit que c’était l’heure de sortir la crème solaire. Phénomène qu’on s’expliquait mal avant que des citoyens des villes nous demandèrent si nous avions observé l’éclipse totale de soleil ! C’était un événement qu’on attendait depuis longtemps en Asie. Nous l’ignorions. Le même phénomène pourra seulement être observé à nouveau en 2045 ! Déconnectés nous disions…


Jiangxi et Zhejiang

Tranquillement, les décors ruraux se transformèrent pour laisser la place à des paysages urbains très ennuyants. Dans les provinces de l’Est, les Chinois regardent fièrement pousser le béton autour de leurs anciennes fermes! La présence des monstrueux édifices est symbole de prospérité pour tous ! Chacun voit son avenir au sommet des constructions à 50 étages. Les énormes villes surpeuplées et surpolluées s’entassaient donc sur notre trajet. Au même moment, nous étions par une effroyable monotonie qui nous laissait bien tristes. Comme dans le jour de la marmotte, les journées passèrent et se ressemblaient tous ! De ville en ville nous roulions, fatigués, dans le simple but d’atteindre Shanghai avant que les parents de Geneviève n’arrivent.

Shanghai

Après 40 jours de vélo intensif, nous avons enfin rejoint la mégapole Chinoise ! Une étape importante de notre voyage se terminait. Certes, nous étions essoufflés physiquement, mais nous étions surtout accablés par une fatigue psychologique intense. La monotonie des derniers jours nous laissait un sentiment de morosité écrasante. Pendant plus d’un mois, nous avons roulé 100 km par jour en moyenne. C’était beaucoup de kilomètres en trop peu de temps. Nous avions perdu la joie de faire du vélo. Jamais nous n’avions pensé abandonner notre projet, mais nous étions désormais peu optimistes à l’idée de pousser nos vélos plus loin après Shanghai.

Heureusement, nous avions près d’un mois devant nous pour nous réconcilier avec nos vélos. A l’arrivée des parents et de la sœur de Geneviève, nous avons entreposé les vélos pour partir avec notre sac à dos ! Des nouvelles aventures en vue ! Mais ca c’est une autre histoire…

lundi 31 août 2009

Express pour Shanghai (2e partie)

Guanxi

Les montagnes et la pluie du Yunnan, comme toutes les choses de ce monde, ont un début et une fin. C’est en atteignant le Guanxi, province voisine, que nous avons atteint les limites de ces deux sources d’ennuie qui, quelque fois, nous paraissent éternelles. Nous avons alors apprécié le soleil qui avait disparu depuis trop longtemps. Un répit qui nous permet de mettre des vêtements secs pour la première fois depuis 10 jours et 10 nuits! De même, la Terre était redevenue ronde sous nos roues et nous pédalions désormais sur des routes bien plates, quel bonheur !

Le Guanxi partage une longue frontière avec le Vietnam. Cette proximité est flagrante par la similarité des paysages. Des petites collines aux formes excentriques qui ont poussé sur des terres ultra-fertiles. Parfois, il est possible d’entendre des conversations dans une langue qu’on devine être du Vietnamien.

Un jour, alors que nous avions fait une courte escale dans une grande cité, un homme véreux vola l’ordinateur de vélo à Geneviève. Voyant que l’objet ne lui était d’aucune utilité, il s’empressa de venir essayer de nous le vendre… se dénonçant du même coup ! En m’exprimant son irrésolution à me rendre l’objet pillé, la discussion tourna rapidement en empoignade. Grabuge qui attroupa un nombre assez suffisant de curieux pour convaincre notre bandit que tout était perdu pour lui. Décidément, le Vietnam n’était pas trop loin !

C’est quelque part au Sud Ouest de la Chine que nous avons franchit une étape importante pour les cyclotouristes que nous sommes : 10 000 km !!! Nous étions fiers de se que nous avions accompli en 6 mois de vélo. C’est devant une vieille maison de campagne en brique que nous avons fêté l’événement avec ce qu’il faut pour être heureux en ces cas-là: un festin de mangues et de litchis frais! Les fermiers autour semblaient bien hébétés de nous voir célébrer je-ne-sais-quoi au milieu de nulle part ! Nous avons alors repensé à tous les efforts que nous avons investis pour se rendre où nous étions. Sans doute, nous avions changé d’idée sur ce qui nous paraissait inconcevable de réaliser au départ. Quel sera donc la distance totale de notre longue route ? Où le hasard nous mènera dans les prochains mois ? Des questions auxquels nous avons peu de réponses…

Un jour, alors que je roulais devant Geneviève, je m’arrêtai au bord de la route pour faire le plein d’eau. Lorsque je repris la route quelque secondes plus tard, j’attendis Geneviève, mais jamais je ne la revis… elle avait disparut ! Je ne la voyais ni derrière ni devant. Le plus ennuyeux c’est que je ne me souvenais plus exactement la dernière fois que je l’avais aperçue. Je me résolu donc à rebrousser chemin pour aller la rejoindre. Elle devait probablement être retenue par une crevaison. Presque chaque jour nous sommes gênés par des débris sur la route qui transpercent nos pneus. Je roulai donc en sens inverse sur plus de 10km. Toujours pas de nouvelles… J’arrêtai donc dans un village pour demander si quelqu’un aurait vue une cycliste sur un vélo qui ressemble à un vaisseau spatial.
-Pas vu…
-Pas vu…
Je stoppai même les camions.
-Pas vu…
-Pas vu…
-Oui, me confia un vieux bonhomme sur son tracteur, elle se trouve dans la direction opposée, à 15 km devant. Il m’indiquait du doigt la direction où j’avais pris l’eau.
Je retournai donc vers le point où je m’arrêtai pour prendre l’eau... En chemin, je continuai de demander aux gens. Contrairement au bonhomme dans son tracteur, personne n’avait vu Geneviève. Or, il faut savoir qu’en Asie, une information donnée par une seule personne ne vaut rien. Il faut toujours confirmer par une source différente. « Je ne sais pas » est une réponse qu’on entend rarement ici. Souvent, les gens prétendent savoir pour ne pas perdre la figure.

De retour au point de disparition, toujours personne n’avait vu passer Geneviève. Il était donc bien peu probable qu’elle soit devant moi ! Elle devait vraisemblablement se trouver derrière moi, mais plus loin ! Je retournai donc une seconde fois en arrière. Cette fois avec la résolution de dépasser mon bonhomme sur son tracteur et de faire au moins 15km pour la retrouver. Toujours rien. Seulement les regards amusés des gens qui me voient passer et repasser sur la même route tel un Sherlock Holmes à l’ouvrage. Ma deuxième tentative de retour en arrière fût inutile. Cette fois, il n’était plus question de revenir en arrière. Geneviève devait finalement se trouver devant tel que le disait le bonhomme.

Geneviève est une grande fille, elle peut très bien se débrouiller sans moi ! Nous nous rejoindrions donc à Yanshuo, où il était envisagé de se rendre. Cette journée-la nous avions prévu parcourir 110 km. Cependant, avec les 50km que je venais d’ajouter à mon compteur en tentant de trouver Geneviève, je doutais que je puisse rejoindre Yanshuo? Néanmoins, il fallait s’y rendre, sinon retrouver Geneviève serait devenue très compliqué.

Je repris donc la route seul en m’imaginant les histoires les plus farfelus, les histoires les plus abracadabrantes et, finalement, les histoires les plus horribles. C’est avec nervosité que je poussais sur mes pédales. Même si je me rendais à Yanshuo, ville de la taille de Québec, comment est-ce que je retrouverais Geneviève ? Je me rappelai alors que, la veille, elle avait parlé d’une auberge jeunesse où il serait possible d’aller. Mon plan était simple : me rendre à cette auberge et lui écrit un email. Si à la tombée de la nuit je demeurerais sans réponse, j’avertirais la police.

Enfin, à mon arrivée à l’auberge je retrouvai Geneviève, les larmes aux yeux ! Lorsque je m’étais arrêté pour prendre de l’eau, elle m’avait dépassé sans m’apercevoir ! Toute la journée, elle fît une course folle pour tenter de me rejoindre, croyant que j’étais devant. Les vendeurs de fruits au bord de la route, tous ignorants qu’ils étaient, lui indiquaient que j’étais tout près devant. Bref, nous avons passé une journée bien angoissante, sans manger et, de mon côté, je venais de faire 150km en un temps record ! Moral de cette histoire : toujours croire les vieux bonhommes sur leur tracteur, mais pas les vendeurs de fruits !

Accompagnés de trois cyclistes chinois que nous avons rencontrés sur la route, nous avons roulé vers le Hunan. Plus que trois autres provinces et nous serions à Shanghai !