Mon compagnon de route est une monture bien ordinaire qui sort du cabanon de mes parents. Puisque mes parents préfèrent rouler à haute vitesse avec leur vélo de course, le mien était très peu utilisé. Un peu de rouille, mais pas trop. Un peu vieux, mais pas trop.
- Tu penses pas qu’il est trop p’tit pour moi p’pa?
- Un peu petit, mais pas trop!
Bref, c’était la bécane idéale! Il fallait maintenant qu’elle ne soit pas la bécane idéale pour un potentiel voleur… Une cure de vieillissement s’imposait! A tours de Duck-Tape je fis de ma petite reine un vieux bicycle laid comme un pou. Sans marque, sans artifice, sans attrait, c’était l’allure recherchée!
Le problème fondamental avec les marques c’est qu’elles sont toujours affichées en premier plan afin de servir d’outil de prétention. On roule en Mercedes pour l’élégance de l’étoile sur le capot. On porte fièrement le Hugo Boss et le week-end on shine son Harley de façon à ce qu’un maximum de voisins puisse nous voir. Il existe deux théories pour expliquer ce phénomène. La première est le transcendantalisme : Un objet peut devenir un dieu si on lui accorde suffisamment d’importance pour qu’il le devienne. L’objet lui-même n’arbore que peu d’importance, mais ce sont les sentiments envers cet objet qui lui alloue un prestige. La deuxième théorie est celle de l’apparence. Les humains sont drogués de la forme. De nos jours le contenu n’a plus d’importance. On veut de l’image, du brillant. Nos gestes quotidiens sont guidés inconsciemment par une volonté de projeter une belle image.